samedi 21 juin 2008

À tout prix

Évidemment, toutes les données ont été modifiées pour protéger l'anonymat des personnes concernées.
Il n'en reste pas moins que j'ai entendu parler d'un enfant, dont je ne sais même pas le nom, que je n'ai jamais rencontré et que je ne rencontrerai peut-être jamais.
Donnons lui douze ans.
Une maladie héréditaire que nous appellerons le syndrome lurch-arthurien que nous caractériserons par les éléments suivants :
- un retard de croissance : son corps, modérément déformé, est celui d'un enfant de cinq ans
- un retard psychomoteur : son développement mental correspond à celui d'un enfant de deux ans même si son vocabulaire serait considéré comme pauvre pour un enfant de cet âge.
- des problèmes digestifs majeurs surtout caractérisés par une malabsorption sévère qui provoquent, entre autres, d'innombrables vomissements et une diarrhée constante (avec incontinence, non moins constante)
- une dégénérescence hépatique qui rendent une greffe essentielle à sa survie
(j'espère que tout ce que j'invente ne correspond pas à une entité réelle)
Dans notre système de santé, ne voilà-t-il pas que cet enfant sans nom se retrouve sur la liste d'attente de greffe hépatique.
Est-ce raisonnable ?
Pour répondre à cette question, ne faudrait-il pas voir cet enfant ? Le tenir dans nos bras peut-être, mais certainement évaluer la lumière dans ses yeux ? Ce qui pourrait être de l'acharnement dans un cas pourrait ne pas l'être dans un autre. L'ultime question n'est-elle pas : qu'est-ce qui est vraiment dans l'intérêt de cet enfant?
Il y a un monde de différence entre un enfant qui souffre physiquement (on n'a qu'à imaginer les fesses qui baignent constamment dans des matières fécales) et mentalement (son seul neurone fonctionnel est celui qui commande les pleurs) et un autre qui s'est adapté à sa condition et dont, malgré tous les handicaps, le sourire et les éclats de rire font un être resplendissant de joie de vivre.
Les questions que je pose aujourd'hui sont simples : est-ce que dans nos décisions face aux soins requis par une personne (principalement, mais pas seulement, un enfant) est-ce que notre système de santé s'interroge sur l'intérêt réel de celui-ci ? Est-ce que les professionnels se laissent entraîner par le défi que pose une condition médicale au détriment de l'intérêt du patient? Est-ce que les parents, parce qu'ils disent, et croient, aimer leur enfant, se laissent aveugler par leur désir de les voir vivre à tout prix, les condamnant ainsi à vivre à tout prix, une vie qui n'en est pas une ?

le pas de trop

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